Source Database: 
NT2
Source Entry URL: 
Source Entry OAI-PMH Identifier: 
oai:nt2.uqam.ca:37682
Author(s) of the Source Entry: 
Tronca, Lisa
Source Entry Language(s): 
French
Description(s): 

Globodrome est une œuvre «enquête» par l’artiste Gwenola Wagon prenant à la fois la forme d’un livre et d’un film de 62 minutes. Le site Web de l’œuvre comporte une brève présentation du projet, un lien pour l’achat du livre et quelques extraits du film. Le film complet a été présenté dans le cadre de plusieurs festivals, dont le Festival du nouveau cinéma en 2012, et quelques expositions, comme Global Snapshots présenté à La Panacée, Centre de culture contemporaine à Montpellier.L’inspiration de départ du projet de Wagon est Le Tour du monde en 80 jours de Jules Verne publié en 1872. Dans cet ouvrage phare, Verne met en scène les personnages Phileas Fogg et Jean Passepartout qui entreprennent une course autour du globe en 80 jours à l’aide des nouveaux modes de transports marquant la révolution industrielle du XIXe siècle. Wagon suit le même itinéraire que les personnages de Verne et effectue ce voyage grâce aux technologies du XXIe siècle. Son «autre tour du monde», comme elle l’écrit dans son livre, se fait par Google Earth, outil convergeant de nombreux sites de partage d’informations, tels YouTube, Wikipédia, Panoramio et Street View.Ainsi, tout aussi fictif que le tour du monde de Verne, l’enquête de Wagon se fait à partir d’un globe virtuel. C’est la flèche de la souris qui parcourt les continents, naviguant à travers les routes, les mers et les capsules d’information laissées par les internautes à travers le monde. Le film est une collection hétéroclite d’éléments visuels, sonores et informationnels collectionnés par l’artiste lors de son parcours informatique.Le livre adopte également cette esthétique du glanage: on y retrouve un essai, ressemblant au carnet de voyage, décrivant la méthode et l’exploration faite par l’artiste pour son projet, ainsi que plusieurs illustrations provenant de vidéos ou d’images accumulées sur son parcours. Quant au film, une pléthore de fenêtres ouvertes, d'extraits sonores de films célèbres, de photographies et de vidéos d’archive, se partagent l’écran. Or, à travers ce désordre, l’artiste réalise un triage et un catalogage afin de dresser un fil conducteur intelligible. Le résultat est transformé en matière à réflexion: sur nos méthodes de navigation, sur notre rapport à l’information, sur notre effort critique envers les technologies de l’information et de communication, etc.À travers Globodrome, «il s’agit de faire le tour du monde pour ressentir des lieux inconnus, pour rendre tangibles des territoires lointains. Se saisir des lieux par leurs représentations, à partir de vues aériennes et satellites, de routes, de cartes, de textes, d’images, de vidéos, de vues de caméras de surveillance, de modélisations 3D ou autres esquisses d’un monde en relief tridimensionnel. De plonger dans le monde virtuel cartographié, dans un globe devenu métavers, dans lequel l’itinéraire est un programme, afin d’appréhender la dimension symbolique et métaphysique de cette circumnavigation» (Wagon, 2011: 11).L’œuvre nous fait non seulement explorer les continents, mais également l’information mise à disposition par d’autres et laissée comme trace sur la toile. L’espace virtuel est «colonisé» par la pléthore d’informations qui y est parsemée. Comme le nomme le narrateur du film, le globe virtuel serait ainsi en état d’«opération de recouvrement», soit une opération qui consiste à recouvrir entièrement le monde d’informations.Wagon relève par sa comparaison avec l’œuvre phare de Verne l’abysse qui sépare la modernité et la postmodernité. Selon M. Christine Boyer, professeure d’architecture et d’urbanisme à l’Université de Princeton et auteure de l’ouvrage CyberCities, alors qu’on parle de la ville-machine à la modernité, on peut parler de la ville-information à la postmodernité. Il faut dorénavant apprendre à gérer cette masse d’information et à l’explorer, comme le fait Wagon avec son œuvre. Boyer affirme: «we have to learn what it means to receive and digest, as a constant diet, images and information that have been constructed by headers or that have not been mediated by us, yet that provide a predigested or configured world view» (Boyer, 1996: 8-9). Elle pose également la question: «How do we explore this digital box of fragments that pastes together disjunctive arrays of images and sets of data into a seemingly continuous display?» (Boyer, 1996: 9).Globodrome de Wagon en arrive à conceptualiser la notion «d’espace augmenté» nommée et théorisée par Lev Manovich. L’espace augmenté advient lorsque la sphère de l’information numérisée (ou «dynamic data») est superposée à l’espace physique. Cet état augmenté est souvent réalisé grâce aux technologies numériques: «technological applications that dynamically deliver dynamic data to, or extract data from, physical space» (Manovich, 2006: 221). Wagon expérimente ainsi le voyage augmenté dorénavant possible, ou plutôt, offre une représentation de l’espace augmenté de notre monde.